Présentation

Quel est le rôle d’une Scène nationale comme le GRRRANIT SN. Quelles sont ses missions ?

Les missions d’une Scène nationale sont définies par notre label d’Etat depuis 1992 : proposer une programmation pluridisciplinaire reflétant tous les courants artistiques régionaux, nationaux et internationaux, soutenir les artistes dans leurs recherches de création et inventer des projets d’actions artistiques ambitieuses sur notre
territoire pour les publics de tous les âges.

La colonne vertébrale d’une Scène nationale, c’est son public, de tous les âges, de toutes les origines et de tous les budgets. Ce que j’espère, à travers le projet que nous menons ensemble avec l'équipe du GRRRANIT SN, c’est que nos spectateurs comprennent que nos spectacles ambitieux conviennent à toutes les bourses et sont accessibles à tous les milieux.

Notre rôle au GRRRANIT SN n’est pas seulement d'accompagner l'éveil et la sensibilité des citoyens ; il est également de permettre, à travers le partage de la culture, que nous grandissions toutes et tous ensemble. C’est un projet sociétal qui est porté par un espoir : que les spectateurs, en sortant du GRRRANIT SN, pensent différemment. Nous prenons notre mission très au sérieux. Face aux attaques qui touchent et blessent la vie démocratique et nos valeurs républicaines, je reste persuadée d’une chose : la meilleure façon d’avancer, c’est de réfléchir ensemble notre monde, rire, construire, tous ensemble. Les artistes que nous accueillons sont tout autant capables de nous divertir, d’être sérieux, graves, politiques... dans un même spectacle !

Justement, comment avez-vous nourri votre projet pour le GRRRANIT SN ?

Le projet et la programmation d’une Scène nationale, c’est d’abord le projet d’une solitude face à une globalité. On se retrouve seule à son bureau avec des éléments d’une structure qu’on doit construire, une série de propositions à avancer, et qui doivent être toutes pertinentes et liées les unes aux autres. On avance avec du doute et beaucoup de questions. Cette période est intense, longue et difficile car très solitaire, il faut faire des choix et écrire un parcours artistique collectif.

Le projet que je propose depuis fin 2019 et qui est décliné par toute l’équipe aujourd’hui, est un projet littéraire, artistique, qui propose une vision ouverte et croisée du monde, incluant la géostratégie. C’est-à-dire comment on va comprendre et analyser l'actualité nationale et internationale, notre société et le futur de notre monde à travers les artistes, sans savoir ce qui va arriver sur notre planète demain... mais tout en essayant quand même de deviner l’avenir, de l’interpréter et d’en dessiner ses contours à l'avance.
C’est souvent prémonitoire et très intuitif, je dois l’admettre, et très exaltant, car on doit lire et s’intéresser à une multitude de sujets. Dans une programmation, on choisit les artistes en fonction de leurs valeurs, de leurs talents reconnus ou émergents, de leurs visions, de leur capacité à émouvoir et transporter les spectateurs. On prend des risques, quelquefois. C’est un métier d’équilibriste.

Pouvons-nous parler d’« objectifs », un terme plus souvent lié au monde de l’entreprise ? Si oui, quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés ?

Tout à fait. Je trouve que c’est un très beau terme. C’est un mot compliqué à énoncer parfois dans le milieu culturel car il est vu négativement, comme un aspect trop libéral de nos missions. Mais oui, nous avons des objectifs bien concrets. Et j’adore ce mot, qui est provocant, parce qu’il y a une grande part de franchise dans nos métiers. On peut également utiliser un autre mot que j’adore : celui d’entreprise. Nous sommes une entreprise avec des missions bien concrètes, des salariés et un budget à tenir.

Nous avons des objectifs de valorisation de la démocratie et des libertés de tous les citoyens, de l’accueil de nouveaux spectateurs, de la protection face à une société uniquement libérale et numérisant la pensée. Nous souhaitons les confronter aux corps sur scène produisant de l’esprit, et aux spectacles bien vivants, car c’est un acte de « polis », au sens grec du mot politique, une élévation du sens de la cité.
Nos missions à nous directrices et directeurs, sont aussi celles de tenir les comptes. Notre budget vient de l’argent des citoyens, partagé par nos tutelles qui nous soutiennent mais également par nos recettes de billetterie et de diffusion des spectacles que nous produisons. Chaque centime compte et doit être respecté.
Maintenir cet équilibre est un défi moral, humain et financier, comme toute entreprise le vit au quotidien.

Plus généralement, avez-vous une ligne directrice, une conviction qui dicte vos choix culturels ?

Quand on réalise une programmation, on écrit un livre à l'avance. Je vois les projets en avance pour le public et je me mets à la place de chaque spectateur. En découvrant ainsi les futurs spectacles de la saison, me vient alors la question de l’histoire à leur raconter : quel livre ouvrir et proposer dans un an ? La programmation, c’est poser un acte, une histoire à travers les visions sociétales et esthétiques des artistes. Un spectacle joué en octobre devra rebondir avec le sens de celui qui sera joué quelques mois plus tard.
Et à la fin de notre saison, le spectateur doit être enrichi d’une émotion, d’un sens critique et d’une nouvelle opinion sur le monde, construite grâce à son propre parcours annuel dans notre scène nationale. C’est très excitant.  Et j’imagine que ça l’est également pour les membres de mon équipe qui me proposent des aventures et des projets artistiques, que je remercie ici.

Certaines pièces de théâtre, de danse, certains cabarets questionnent véritablement le rôle du spectateur, l’invitant à être acteur de ce qui se passe sous ses yeux...

C’est un choix de programmation qui est volontaire. Certains spectacles cassent le quatrième mur pour créer un lien direct et interactif avec les spectateurs,  car aujourd’hui, ils sont de plus en plus mis à distance du vivant et du temps réel.

L'intelligence artificielle, aujourd’hui en essor, reste sans véritable pilote éthique à bord et même si elle fait avancer par exemple des axes médicaux, elle peut représenter un danger majeur pour la dépossession de notre pensée, avec le risque de manipulation de nos facultés cognitives et de nos imaginaires. La puissance et la présence physique
du spectacle vivant est une contre-expertise concrète et efficace à la globalisation robotique de nos esprits, car elle permet au spectateur d’être un acteur direct d’une réflexion individuelle exercée en collectif. Le théâtre, la danse, la musique savent s’adapter à toutes les époques, y compris avec tous les nouveaux outils numériques à leur service (et non le contraire), et sont l’un des endroits les plus exaltants de la co-construction de nos intelligences humaines reliées.

Prendre la décision d’aller voir un spectacle dans un théâtre ensemble avec d’autres personnes est ainsi un acte citoyen symbole de liberté nous protégeant de toute pensée totalitaire et enrichissant nos capacités propres d’inventivités uniques et d’émotions.

Sans oublier que la culture joue concrètement un rôle moteur et favorise grandement l'économie nationale et locale : les commerces, les hôtels, les restaurants, les transports, les entreprises de bois, d'acier, de textile, d'automobile, d'agro-alimentaire, etc… : un maillage extraordinairement diversifié d'entreprises que l'ensemble du monde culturel soutient financièrement et très activement.

Interview d'Eléonora ROSSI, directrice du GRRRANIT SN

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Que mettez-vous en œuvre au service des artistes ?

Beaucoup de choses ! On les accompagne dans leurs recherches, on les accueille en résidence pendant 5, 10, 15 jours, 1 mois, plusieurs mois, on les héberge dans notre Villa des Artistes à 300 mètres du théâtre, on finance leurs résidences de création et leurs spectacles. Nous accompagnons aussi les artistes dans la technique, la construction de décors, la communication, la production. Nous les envoyons aussi parfois à l’étranger, pour qu’ils puissent s’enrichir ailleurs dans d’autres théâtres européens. Tout ce panel fait partie des missions d’une Scène nationale, missions qu’on a particulièrement développées depuis 3 ans.

Collaborer avec le GRRRANIT SN en tant qu’artiste, c’est l’assurance de profiter de bonnes conditions pour expérimenter, créer... ?

Pour ceux qui font partie du parcours choisi, oui, et toute l’équipe accompagne pleinement leurs créations ! Nous avons des artistes associés, des artistes soutenus, des artistes accompagnés, des artistes dont on achète les spectacles. On aimerait bien sûr soutenir plein d’autres artistes.
La créativité des artistes, très dynamique en France, est une fierté pour chacun d'entre nous, c'est un trésor à choyer et à renforcer encore d'avantage. Le ministère de la Culture a un très grand rôle à jouer qui est décisif dans ce tournant majeur que nous vivons.

Interview d'Eléonora ROSSI, directrice du GRRRANIT SN